Ma Banlieue Flasque (1979)
Celluloïd
Encore injustement méconnu et toujours
dans l’attente d’une réédition CD, l’unique album de Ma Banlieue Flasque (la
banlieue en question se situant dans le secteur de Sannois, Ermont…) est
pourtant probablement l’un des meilleurs disques de rock français jamais
enregistrés. Il est assez difficile à classer stylistiquement mais il est
indéniable qu’il révèle une forte influence de Zappa avec ses morceaux à fractures
multiples dont la complexité est masquée par une énergie délirante (très
communicative) et une bonne dose de déconnade ; en particulier, le chant
qui intervient occasionnellement serait franchement passable au premier degré
mais participe bien à la folie de l’ensemble avec des textes qui paraissent
idiots (pour peu qu’on arrive à les capter à l’écoute… ce qui n’est pas
toujours évident, et ce n’est pas faute d’une prise de son héroïquement nette
étant donnée la bordélicité inhérente au groupe : on entend bien tout de
la basse enregistrée comme pour un solo de « MDK » -mais ça n’a rien de Zeuhl,
bien que certains aient l’air de le penser- jusqu’à la moindre percu de taule
bizarre…), pour la narration en français comme pour les rôles en anglais (la
voix de fausset criarde…) qu’on rencontre surtout dans le bien nommé morceau
d’ouverture « 13’20 d’happiness » (sauf que c’est 10’20 seulement
d’après l’étiquette du disque, plutôt 11’ en vrai au chronomètre, et c’est trop
court de toute façon…). Cependant on a une sensation plus psyché que prog avec
les deux guitares déchaînées et le saxo (ou la flûte) lancé dans des
délires free
(qui peuvent rappeler aussi des groupes comme Nova mais en plus joyeux, moins
véritablement fusion), ce qui les rapprocherait aussi de certains
groupes Canterbury
(la préciosité en moins – n'empêchant pas pour autant leur musique d'être réellement belle) et de Gong (enfin, quand Gong envoie du pâté,
pas quand Gong se laisse dériver dans l’espace…).
Le groupe s’est sabordé au moment de la
sortie de l’album, au grand désarroi de sa maison de disques, ce qui est
d’autant plus cocasse qu’enregistrer une telle musique en mars 79 semblait de
toute façon relever du suicide commercial en pleine période new-wave (à
l’écoute on se croirait plutôt dans un truc datant de 72/73, 76 vraiment au
plus tard…) (remarque je dis ça mais la France étant le pays attardé qu’on
sait, 77-80 a été une période particulièrement féconde du prog hexagonal…). Le disque est rare, néanmoins de
nombreux exemplaires neufs ont mystérieusement ressurgi chez les disquaires
depuis 2008 environ, il me paraîtrait donc déraisonnable d’y mettre plus de 30
€, même si on peut considérer que musicalement ça les vaut largement…